samedi 9 juillet 2011

LES ELEPHANTS S'EN MELENT


Même les éléphants ont manifesté en 2005 devant l’ambassade des Etats-Unis à Bangkok, agitant leurs trompes avec courroux tandis que leurs cornacs brandissaient des pancartes outragées : « Return the crown ! » Bien vite oubliée, cette manifestation insolite illustre une fois de plus un conflit planétaire entre receleurs d’œuvres d’art pillées ou achetées dans des conditions douteuses, et militants soucieux de sauvegarder l’intégrité de leur patrimoine artistique national.


Pour la petite histoire, un rappel des faits : à la faveur d’une exposition au Musée d’Art Asiatique de San Francisco, les Thaïlandais découvrent l’existence d’une couronne provenant d’Ayutthaya, l’ancienne capitale vandalisée par les Birmans en 1767. Comment cette couronne est-elle arrivée à San Francisco, avec 89 autres objets de la même provenance ? Il y aurait de quoi occuper quelques fins limiers d’Interpol pour répondre à cette intéressante question. La couronne, quant à elle, provient d’une « collection privée ». Merci quand même au collectionneur d'avoir bien voulu exhiber son trésor devant le public de San Francisco. Tant pis pour les visiteurs du Musée National d’Ayutthaya et de son remarquable Centre d’Etudes Historique, lequel déploie dans une muséographie dernier cri, de splendides et rares objets rescapés du sac de l’ancienne capitale. Les Thaïlandais devront aller à San Francisco pour admirer les objets créés par leurs ancêtres. Avec moult précautions, le gouvernement thaïlandais à engagé des discussions avec les Etats-Unis qui l’ont charitablement prévenu : il devra faire la preuve de ses droits légitimes sur la couronne d’Ayutthaya. Il y a sûrement pléthore d’avocats américains prêts à prouver qu’il s’agit d’un bien américain inaliénable.



Mais l’expérience a montré qu’il ne faut pas se décourager. En 1988, la Thaïlande a récupéré un linteau provenant du temple khmer de Phnom Rung (dans le Buriram) qui avait été volé en 1965, à l’époque troublée de la guerre du Vietnam. Un linteau en grès, cela ne se glisse pas dans la poche. C’est grâce à une chaîne de vendeurs et d’acheteurs égoïstes et sans scrupules que le fameux linteau a fini par arriver à l’Institut d’Art de Chicago où il a été identifié par le Département des Beaux-Arts thaïlandais en 1973. Il aura fallu 15 années de discussions procédurières harassantes, de négociations humiliantes pour que le linteau revienne s’ajuster à la partie brisée laissée en place par les vandales.


© Photos christine le Diraison

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